Mission désastreuse...

Soudain un bruit sourd résonna dans la salle. Le silence se fit immédiatement.
Tous les individus présents échangèrent des regards dénués de sens. Pour se rassurer les uns les autres ? Peut-être bien...
Le canon du vieux colt de l'inconnu tremblait encore. Une légère odeur de brûlé se fit sentir. Personne ne bougeait. Jusqu'à ce que Nala commence à s'exciter, à se palper à divers endroits.
Rien. Absolument rien. Elle se retourna brusquement et examina du regard tous ses hommes.
Soudain, son regard brun se figea. Un juron s'échappa de ses lèvres dans un souffle glacé. Ses hommes se retournèrent doucement dans la direction orientée, s'attendant à voir un collègue mort et à en souffrir dans la seconde qui suivrait.
Sirkis Blake se demanda pourquoi il ne s'était pas retourné, lui aussi, dans cette direction. Pourquoi ne voulait-il donc pas savoir qui était mort ?
Peut-être parce que c'était sa direction, et qu'il n'était pas encore mort. Pour le moment, son sweat noir s'humidifiait. Sueur ? Non. Une substance beaucoup plus épaisse. Il baissa la tête. Rien ne parraissait anormal chez lui, mis à part cette sensation... jusqu'à ce qu'il aperçoive un filet rouge se dessiner sur son jean et s'y infuser rapidement. Nala l'avait vu avant tout le monde.
Le sang. Cette odeur qu'il n'avait jamais supporté, cette texture qu'il sentait sous ses doigts depuis sa naissance. Jamais il n'aurait, malgré tout ce qu'on lui disait sur ce job, imaginé qu'un jour il verserait une goutte de ce précieux liquide qui l'avait sauvé de tout.
Sirkis n'avait jamais perdu une seule goutte de sang. Malgré les coups, malgré le sang des autres dans lequel il avait baigné... non, pas une goutte.
Aujourd'hui il perdrait peut-être tout.
Etrangement, il se sentait bien, ou bien il ne sentait absolument rien. Tous ces hommes qui se précipitaient vers lui pour le soutenir, pour l'allonger sur le sol, il ne comprenait toujours pas ce que celà représentait. Etendu derrière le chariot, il ne voyait plus rien de la scène. Il croisa seulement le regard de Nala. Avant qu'elle ne pousse un rugissement qui n'avait rien d'humain, et se retourne subitement en direction des pilleurs. Son arme pendait au bout de son bras qui pendait le long de son corps. La jeune femme transpirait à grosses gouttes. Son visage était tellement mouillé que Sirkis crut y voir des larmes. Elle leva son bras d'un geste extrêmement vif, et dégomma le chef des pilleurs, avant de recevoir elle-même le coup de grâce, porté par un inconnu armé d'un pistolet-mittrailleur. Secouée par la multitude de balles qui traversaient son corps de parts en parts, elle mit un moment avant de toucher le sol. Elle s'écroula lourdement, sa tête roulant sur le côté, dans la direction de Sirkis et de ses hommes, pour les regarder... une dernière fois.

Sirkis s'éveilla en sursaut, bondissant dans son lit. Il n'avait rien du tout, pas de trace de l'impact. Ce n'était qu'un rêve...
Le jeune homme était simplement vêtu d'un boxer. Il avait fait plutôt chaud cette nuit-là, et son sommeil agité n'avait rien arrangé. Les draps étaient froissés, les oreillers envoyés sur le tapis à l'autre bout de la pièce.
Pourquoi avait-il rêvé de celà ? Il avait comme un mauvais pressentiment. Il mourrait peut-être aujourd'hui... Les convoyeurs se répétaient cette phrase tous les matins en se levant. C'était la première fois que Sirkis la pensait, pourtant il faisait ce job depuis un bout de temps. Souvent sûr de lui, il avait toujours pensé qu'il ne serait jamais touché. Et pourtant, ce genre de chose pouvait arriver à n'importe qui... La preuve, la semaine d'avant, un collègue qu'il connaissait plutôt bien s'était fait lâchement descendre. Le premier a avoir été abattu. Lors d'une embuscade dans les rues de la ville d'Emra, à deux cent kilomètres d'Agarta. Marié à une infirmière, père de deux charmants bambins, que Sirkis avait déjà gardés une ou deux fois le soir, lorsque les deux amoureux étaient de sortie en ville, pour fêter leur amour et leur bonheur... ce bonheur qui n'en finirait jamais.
Jan, qu'il s'appelait. Jan Hardsfield. Un anglais vivant à Agarta depuis à peine six ans. L'âge de son fils ainé, qui ne reverra plus son père, et qui, plus âgé, ne sera plus certain de se souvenir de lui.
Ce héros de Jan...
Sirkis avait beau être convoyeur, il n'était pas un héros. Il évitait de prendre des risques, car sa chance qui l'avait sauvé déjà trois fois en 23 ans finirait par tourner. Il ne jouait pas au héros, c'est pourquoi il était toujours en vie.

Pourquoi ce rêve ? Mise en garde ou effet de son imagination ?
Sirkis songea à nouveau à cette nuit si agitée lorsque, deux jours plus tard, lors d'une sortie, sa chef périt criblée de balles, assassinée lors d'une embuscade.
Il n'était pas sorti ce jour-là. Malade pour la première fois, si faible qu'il ne pouvait sortir de son lit, Sirkis ne les avait pas accompagnés cette fois-ci. Nala était morte. De toute façon, sa présence n'y aurait certainement rien changé. La fin de cette vie semblait écrite depuis un bon moment, cette façon de mourrir le M16 à la main était plus que classique et pendait au nez de tout le monde dans ce service. Mais si cette section n'existait pas, qu'adviendrait-il de tous ces réfugiés qui faisaient à présent partie de la résistance ?
Les convoyeurs et leur escorte avaient bel et bien une utilité. Et pour sauver des centaines de gens, il fallait un sacrifice de temps en temps.
Le prix à payer pour la survie de tout le monde ici-bas...
Sirkis cogitait trop. C'est ce qu'il se dit au moment où il s'extirpa de son pieu pour aller vomir dans les toilettes. Ne cessant de penser à tout ça, il se rassura en se disant que s'il mourrait, il y aurait deux ou trois personnes à son enterrement, mais pas sur le premier banc, là où se place d'ordinaire la famille. Il ne laisserait personne malheureux plus de quelques jours.
Mais en même temps... Il se sentirait coupable de n'avoir rien laissé sur ce banc. Pas une femme... ni un enfant.

Il retira sa tête blafarde de la cuvette des chiottes et se releva, un peu tremblant. Déjà deux jours qu'il s'ennuyait à mourir dans cette pièce sombre qu'était sa chambre. Il n'en pouvait plus d'attendre. Ce job qu'il aimait plus que tout l'appelait.
Il enfila donc son uniforme, composé d'un marcel noir, d'un pantalon treillis aux motifs bleus et d'une veste du même genre. Il se chaussa de boots, s'empara d'un gilet pare-balles et quitta son appartement, après être passé devant un miroir pour redonner un aspect de chevelure à sa chevelure.

Durant la traversée des tunnels, ses collègues ne cessèrent de lui répéter qu'il aurait dû rester chez lui. Mais il s'en fichait pas mal. Il resta à l'arrière du wagonnet et fit mine de nettoyer son 9 mm pour qu'on le laisse tranquille. A vrai dire, il n'était pas spécialement sociable.
Il entendit parler les autres convoyeurs d'une oreille distraite, et comprit que le nouveau responsable du centre militaire arriverait bientôt. Ca y est, Nala était déjà remplacée par un inconnu...
Les militaires du dernier wagonnet, trois gugusses à l'air impassible et dénué de sentiments, commencèrent enfin à remuer leurs articulations. Le convoi était arrivé à destination.

Ils quittèrent les wagonnets, emportant avec eux armes, sacs et malettes de secours. Sirkis, qui n'avait pas eu vent de leur destination, reconnut le tunnel qu'ils empruntèrent. C'était celui par lequel on avait ramené le cadavre troué de Nala. Il y avait encore des gouttes de sang sur le sol, semées comme les miettes du petit poucet...
Au bout de quelques minutes, ils rencontrèrent une porte blindée. L'un des troufions composa un code, et la lumière du jour se fit, à travers
des branchages. Ils étaient à présent dans les bois, près de la cité de Solie. Là où s'était produit le massacre. Les pilleurs devaient encore traîner dans les parages, il ne fallait pas traîner. Sirkis espéra ne pas mourir ce jour-là... comme dans son rêve.

Soudain, tous, sauf lui, se mirent en position de défense, brandissant leurs armes dans plusieurs directions. Ils venaient d'entre le son d'une fusillade dans l'enceinte de la cité. Les militaires, courbés et armés jusqu'aux dents, se précipitèrent vers l'entrée de Solie, immédiatement suivis par les convoyeurs...
Sirkis échangea un regard avec l'un de ses collègues.

Que se passait-il donc là-bas ?

Ce matin-là, Tawnee s'était réveillée tôt... Encore une journée longue... Et une nuit très courte car à moitié passée à rester connecté sur le réseau... C'était son unique passe-temps autre que l'entraînement et le combat...

Elle expira doucement et se leva, jetant un coup d'oeil rapide dans le miroir à sa silhouette fine et athlétique, moulée dans son débardeur et son shorty. Elle attrappa son paquet de cigarette et en sortit une qu'elle s'empressa d'allumer avec son antique zippo avant d'inhaler une longue bouffée... Aussitôt, elle sentit les filtres de son corps cybernétique se déclencher et filtrer la fumée nocive. Comme toujours, cela la fit sourire.

Un message clignotait sur sa console de communication. Soupirant, elle l'alluma et le lut. On lui demandait de prendre le commandement d'une unité de convoyeurs... Décidément, on ne la laissait jamais en paix. Elle écrasa la cigarette dans un cendrier et revêtit son uniforme de combat : treillis gris de camouflage urbain avec ses insignes de col de major et boots noires. Son Seburo M-5 vint se nicher comme à son habitude au bas de son dos et elle empoigna son pistolet-mitrailleur Seburo C-28. Se regardant une dernière fois dans la glace, elle fixa à son poignet gauche sa fine montre pour femme et s'estimant satisfaite, sortit pour se rendre au départ.

Durant le voyage en wagonnet, elle détailla chacun des hommes présents, une nouvelle cigarette était fichée au coin de sa bouche. Elle revoyait mentalement chacun des gestes qu'on lui avait appris depuis sa jeunesse. Elle vérifia consciencieusement plusieurs fois ses armes et la présence de chargeurs de rechange.

Arrivé à destination, elle parla enfin :

-Bon, les gars, rassemblement ! Je suis le major Tawnee Kusanagi et je vous commanderais pour cette mission... Pour commencer, périmètre de protection lors de l'ouverture de la porte!

Elle regarda satisfaite les hommes obéir et prit elle-même position, prête à tirer :

-Ouverture!

La porte s'ouvrit lentement puis ils commencèrent à progresser, ils étaient quasiment à destination lorsqu'elle entendit alors nettement les coups de feu venant de l'extérieur. elle échangea un regard avec un de ses hommes :

-Déploiement ! Avancée par vague, l'une couvrant l'autre ! Silence radio, on ne communique que par geste ! GO!

Aussitôt, elle se mit en couverture pour la moitié de son groupe qui progressait et attendit que ceux-ci se mettent en position de couverture pour se mettre en mouvement à son tour.

Sirkis leva le canon de son P90, un peu en retard. Il suivit le groupe, dos courbé, genoux pliés. Le Major Kusanagi était en tête du groupe. Taillée comme une machine de guerre et pourtant si féminine, elle avait une allure particulière. Elle devait être en partie robotisée, comme beaucoup d'entre les militaires d'Agarta. La plupart d'entre eux avaient perdue une partie de leur corps et se l'étaient faite remplacer par la technologie cybernétique. Sirkis n'avait jamais eu à faire celà, et il espéra garder son corps naturel entier...

Nala avait eu l'avant-bras broyé, et ses nouvelles articulations d'acier lui avaient permis d'être plus adroite de la gâchette et au bras de fer. Mais elle avait continuellement souffert de ne plus sentir sous ses doigts la douceur d'un tissu ou l'eau d'un bain chaud... Ses nerfs sensitifs n'avaient pas pu être reconstruits, à cette époque leur remplacement n'était pas très au point.

Lorsqu'ils atteignirent enfin les portes de la cité, ils se jettèrent derrière les morceaux de murs délabrés, les débris de voitures cramées, et se mirent en position de tir, n'attendant plus qu'un ordre de la part du Major pour se mêler de la situation.
Des victimes de la guerre s'entretuaient pour quelques victuailles. Visiblement, deux d'entre eux étaient morts. Les propriétaires des sacs de nourriture n'étaient que deux : une femme et un enfant. Contre cinq ou six brutes affamées.
Le sang de Sirkis bouillonnait. Il trouvait cette situation inacceptable, et refusa de rester là à ne rien faire, en attendant les ordres. Il pointa son arme sur un type qui menaçait la femme avec un revolver. Le clodo tourna la tête et aperçut le groupe des convoyeurs, dont le jeune russo-tibétain qui le dévisageait d'un air noir. Le fusil-mitrailleur pointé sur lui, il ne s'en souciait guère. Il leva son pétard vers la femme dans l'intention de la descendre et puis de la dépouiller.

- Noon !!

hurla Sirkis. Il se redressa brusquement et une balle vint perforer le crâne du clodo hystérique. Ce dernier s'écroula sur le sol, mort. Désormais, plus question d'attendre. Les autres militaires se défendirent, car les inconnus leur envoyèrent une rafale de projectiles. Sirkis se mit à courir au milieu du champ de bataille pour aller pousser la femme derrière une carcasse de bagnole, où l'enfant s'était déjà réfugié, apeuré, la tête entre les genoux. Il pleurait toutes les larmes de son corps, effrayé. La femme le prit dans ses bras et se mit à pleurer aussi.

Sirkis utlisa un rétro en bon état de la voiture pour repérer les positions des attaquants. Au loin, ses collègues lui jettaient des regards noirs. Il avait foutu un sacré bordel...
Comme à chaque fois, il se ferait exploser l'acarde à la fin de la mission, par un sergent nommé David Synoas, qui ne supportait pas ses actes de bravoure désespérés et le lui faisait bien comprendre au retour.
Comme à chaque fois, Sirkis justifierait sa blessure en avouant s'être laissé surprendre comme un débutant par un pilleur ou un ennemi.
Comme à chaque fois, il passerait pour l'insouciant de service, qui ne prenait pas souvent de risques, ou qui en prenait quand il ne fallait pas. Mais il était comme ça, et c'était tout. Il en avait déjà sauvé, des vies, au péril de la sienne, son passé lui avait appris qu'il avait une chance miraculeuse et qu'il fallait s'en servir, la mettre au profit des autres.
S'il n'avait rien fait, cette femme et cet enfant se seraient peut-être fait tuer....

Peut-être.

Comment le nouveau Major allait-elle réagir ? Nala laissait couler à chaque fois. Elle avait appris à lui faire confiance.
Maintenant, il fallait qu'il fasse ses preuves, à nouveau...

Tawnee avait observé avec satisfaction ses hommes progresser, ils semblaient de bons professionnels et savaient se mouvoir en silence.

Ils prirent rapidement position derrière des murs à proximité de la ville et ce qu'elle vit alors lui glaça le sang : des hommes allaient exécuter froidement une femme et son enfant. Elle se crut revenu quelques années en arrière en Asie, lors d'une mission en tant que casque bleue... Elle se souvenait de sa réaction à l'époque... Un massacre pour les ennemis.

Elle allait ordonner d'ouvrir le feu lorsqu'un soldat se précipita et abattit l'homme qui semblait le plus menaçant d'un tir net et précis. Mais ainsi, il s'était découvert et mis en danger

-TIR DE COUVERTURE!

Aussitôt, son arme et celle du reste de la patrouille se mirent à cracher des balles, traits mortels qui annonçaient la mort dans un sifflement strident. L'homme s'était planqué derrière une carcasse de voiture, avec la femme et l'enfant. Il avait du cran ce petit, un sacré cran... Une recrue de choix, certes un peu tête brûlée mais elle aimait ça. Elle activa son camouflage thermooptique et en profita pour le rejoindre derrière la voiture, ni vue, ni connue et réapparut à côté de lui :

-Courageux p'tit gars... Au fait, c'est quoi ton p'tit nom? Moi c'est Tawnee... Major Tawnee Kusanagi

Elle lui dit ça tout en alignant des adversaires les uns après les autres dans son viseur, faisant mouche à chaque fois mais s'offrit tout de même le luxe d'une poignée de main, tirant d'une seule main avant de reprendre le C-28 à deux mains

Sirkis fut surpris de voir arriver le Major Kusanagi sur sa position. Il pensait être le seul fou à traverser un champ de bataille en pleine rafale, mais non, voilà qu'une autre folle l'avait suivi. Sur ce point, il se dit qu'il l'appréciait déjà. Il lui adressa un très léger sourire, ce qui pour lui signifiait beaucoup, et accepta volontiers de lui serrer la main.

Elle s'installa à l'arrachée à côté de lui, visant à un angle différent du sien. A ce moment il se rendit compte qu'elle était bien plus grande que lui, et se sentit un peu ridicule. Mais il ne s'arrêta pas à ce genre de détails, et lui répondit tout en couvrant l'un de ses collègues qui changeait de position, quelques mètres plus loin :

- Merci, Major ! Soldat Sirkis Blake, pour vous servir...

Sirkis parlait peu. A vrai dire, il ne parlait que pour donner une réponse à une question. Bien trop occupé à songer à des thèmes existenciels et à se remettre en cause, il se mêlait rarement des conversations des autres et ne se sentait jamais concerné, même quand on parlait de lui.

L'enfant continuait de pleurer. La femme regardait la scène, cachée aux côtés du convoyeur, presque blottie contre lui.
Les assaillants ne donnèrent plus signe de vie.
Ou bien ils s'étaient barrés... ou bien ils étaient tous morts. Les militaires s'assurèrent qu'il n'y en restait plus aucun, puis quittèrent leur position pour se rassembler sur la place dévastée et rouge de sang. Au centre d'un carré de dalles, le corps inerte du type que Sirkis avait froidement descendu. Magnifique trophée. Ca ne lui arrivait pas souvent...
Le sergent David Synoas dévisagea le jeune homme d'un oeil noir, mais lorsqu'il s'aperçut que le Major et lui avaient sympathisé, il se retint de lui en coller une. Mais à la prochaine occasion il ne le raterait pas.
David et Sirkis ne pouvaient s'entendre en aucune façon. Ils étaient trop différents pour ça, et se disputaient souvent pour de la gnognotte. Ils en venaient parfois aux mains... enfin, surtout le sergent. Sirkis était d'un genre beaucoup trop calme pour exprimer sa façon de penser à travers un crochet du droit.

La femme et l'enfant se rapprochèrent du groupe, tremblants, encore choqués par ce qui venait de se produire sous leurs yeux. Ils récupérèrent leurs affaires éparpillées et les serrèrent fort contre eux, comme s'ils avaient peur de les perdre à nouveau. La femme ne cessa de remercier chacun des membres de l'équipe de lui avoir sauvé la vie.
Ils lui proposèrent de venir s'installer à Agarta, avec l'enfant qui était son petit frère, étant donné qu'ils n'avaient nulle part où aller. Ils acceptèrent de tout coeur...

Dès la fin des combats, Tawnee se releva et scruta les alentours. Le site était d'un calme surnaturel après la déferlante de bruits produit par les armes à feu, les cris des mourants et les râles des blessés. Elle regarda avec une pointe d'amusement la femme s'approcher du groupe, mais remarqua du coin de l'oeil la réaction du sergent David Synoas. elle se tourna vers lui et lui lança un regard qui en disait long sur ce qu'elle lui ferait si elle le trouvait en train d'embêter ce jeune homme. Puis elle décida de demander un rapport :

-Rapport des pertes sergent Synoas...

-Le caporal Davidson est mort major... Désolé...

-Bien.Tawnee soupira et alluma une cigarette avec son antique zippo avant d'inhaler une longue bouffée.enveloppez son corps dans un poncho, nous le ramenons...Il me faut un nouveau caporal... Soldat Sirkis Blake, vous serez mon nouveau caporal, jusqu'à ce que je trouve mieux ou que vous mourriez...

Puis elle regarda autour d'elle voyant les douilles jonchant le sol...

-Messieurs... J'ai vu que vous utilisiez d'antiques P90... Pas mal mais si vous regardez, vous verrez que vous laissez des douilles partout derrière vous... Or chaque douille est une balise pouvant mener à la cité... Nos ennemis pouvant par recoupement arriver à retrouver notre point de départ...

Elle brandit son PM au-dessus de sa tête

-Ceci est un Seburo C-28. Il ressemble au P90 à ceci près... Il est doté d'un collecteur de douille pour les récupérer directement au moment su tir... J'xige qu'à notre prochaine sortie, chacun des hommes sous mes ordres en soit équipé, sinon je le laisse à la base.

Elle se tourna vers la femme :
-Vous pouvez nous accompagner. Vous serez sousla responsabilité du caporal Blake.

Elle prit le jeune homme à part et lui murmura :

-Surveillez la, on ne sait si cette attaque n'était un piège pour introduire des espions à Agarta. Au moindre soupçon, faites moi un rapport, j'aviserais.

Elle donna alors le signal pour que tous se mettent en route.

Sirkis tenta de dire quelque chose au moment où le Major le fit monter en grade, mais finalement il se tut. Pourquoi pas, après tout...
Il baissa les yeux vers son P90 qu'il tenait sur le bras depuis plus de trois ans. Il était vrai qu'il commençait se faire vieux, mais il s'y était attaché.

- Nous essayons de ramasser toutes les douilles après chaque passage, Major, annonça David Synoas pour se justifier. Mais c'est entendu, je ferais la commande de ces nouvelles armes.

Sirkis se tourna vers la femme et l'enfant tout en remettant la sécurité de son arme. Les autres membres de l'équipe ramassèrent les douilles, comme à l'acoutumée, tout en discutant d'une soirée prévue le soir même à la citadelle. Tout le centre militaire y était convié, dans le but d'accueillir une dizaine de nouveaux venus dans leurs rangs ; des soldats de toutes sortes, de tous grades, des convoyeurs, des membres du service de renseignements... Sirkis se dit qu'il ne s'y pointerait pas. Il n'avait rien à faire dans ce genre de petite fiesta ridicule. La seule raison qui le pousserait à y aller serait peut-être la présence d'une jolie jeune femme qu'il avait remarquée la dernière fois, une inconnue qui avait croisé son regard et qu'il avait invitée à boire un verre... Elle s'appelait Gaïa, elle était chimiste au centre de recherche. Depuis, il l'avait rencontrée dans un couloir de l'aile d'appartements de la citadelle, et puis plus rien.

- Suivez-nous, tout se passera bien, dit le jeune homme à l'égard de l'inconnue et de son frère.

Ils ne semblaient pas suspects, contrairement à ce que lui avait dit le Major Kusanagi. Mais après tout, ils savaient peut-être très bien jouer un rôle, elle avait dû rencontrer des cas de ce genre pour se méfier ainsi... Sirkis ferait tout de même attention et les surveillerait de près. D'ailleurs il ne les quitterait pas jusqu'à leur arrivée à la muraille, pour les remettre entre les mains du service de contrôle des nouveaux arrivants.

Le petit groupe quitta la cité de Solie tout en s'assurant que personne ne les suivait, et rejoignit les bois. Ils se retrouvèrent à nouveau dans la faible lumière des tunnels, et retrouvèrent leur univers.

[Suite : salle de réception à la citadelle]